17 juin 2010

La Nana, film de Sebastian Silva

La Nana,
Attention aux faux amis : il ne s’agit pas de la version chilienne de l’œuvre d’Émile Zola, ni d’un film de teenagers, mais le portrait d’une nounou chilienne.
Raquel est donc la bonne des Valdés. Elle a élevé les enfants, délaissé sa famille et n'a rien d'autre au monde. Quand on décide de prendre une seconde bonne pour la décharger, Raquel tend des pièges aux nouvelles et les obligent à démissionner jusqu'au jour où arrive Lucy, jeune provinciale pleine d'humour… Le réalisateur connaît bien la réalité de ces familles nombreuses et égoïstes et de ces bonnes qui parfois y trouvent refuge et prison.
En effet le monde extérieur n’existe pratiquement plus. (Si vous venez voir le film pour une visite touristique de Valparaiso, c’est raté !). La nana n’a que très peu de relations avec sa famille. Les enfants Valdés sont devenus les siens. Elle ne comprend pas qu’en grandissant, ils l’abandonnent et se rendent compte de la différence d’éducation et de classe. Car malgré toute la tendresse que la famille bourgeoise, à peu prés identique à celle de chez nous, témoigne à sa domestique – pour son anniversaire, chacun offre un petit cadeau, Raquel est profondément asservie : elle est à la fois intégrée à la cellule familiale, mais aussi remise à sa place par un geste « anodin » (une porte qu’on referme sur elle) ou un mot « malheureux » (« Tu n’es que la bonne, ici. »).
Sebastián Silva est un autodidacte, «peu cinéphile », dit-il, mais, peintre et auteur de bandes dessinées, il peut établir un scénario rigoureux et transmettre à ses collaborateurs ses idées de composition et de couleurs.
Une importante partie de la réussite du film tient à la remarquable interprétation de Catalina Saavreda, une comédienne habituée au registre comique qui donne à Raquel une force et une subtilité impressionnantes. Tous les portraits des personnages sont humains et n’ont rien de manichéen.
« Que l’on regarde l’originalité de son sujet, écrit Serge Kaganski dans les Inrocks, le déroulé de son récit (on ne sait jamais trop où l’on nous emmène), la virtuosité modeste et non apprêtée de sa mise en scène, ou la qualité de ses acteurs, pas de doute : cette Nana-là, mon vieux, elle est terrible ! »

Alain Liatard