17 juin 2010

Fausta de Claudia Llosa (Pérou)

Un film péruvien triomphe au Festival de Berlin 2009
C’est à l’unanimité que la 59e Berlinade a décerné son Ours d’or au premier film péruvien à concourir à Berlin : La teta asustada de Claudia Llosa, 32 ans. Elle est la nièce de l’écrivain Mario Vargas LLosa et avait obtenu un certain succès en 2006 avec son premier film Madeinusa (c’est le prénom de l’héroïne) présenté dans de nombreux festivals comme Toulouse ou Villeurbanne.
La teta asustada (La mamelle effrayée) a, pour le correspondant du Monde « une trame légère, le propos grave, l’inspiration magique. Il commence par la mort d’une vieille femme chantant une chanson bouleversante évoquant les viols au Pérou pendant les affrontements politiques des années 1980 ».
Rappelons que les exactions perpétrées de part et d’autres de 1980 à 2000 firent 70 000 morts touchant principalement les indigènes.
Dans le film Fausta est une jeune et belle femme qui souffre d’une maladie, « le lait de la douleur » ,qui est transmise par le lait maternel. Cette maladie touche uniquement des femmes qui ont été maltraitées ou violées.
Fausta, une beauté farouche, sujette aux évanouissements incessants, est terrifiée par la vie et par les hommes. Elle vit dans un quartier misérable de Lima en faisant des ménages chez une riche bourgeoise qui lui vole ses chansons.
« Le film mélange le grotesque au tragique, la beauté à la cruauté, la poésie à l’obscénité. Entre le cadavre de la mère et la joyeuse industrie du mariage qui sert de gagne-pain à la famille de Fausta…on navigue, médusé et ébloui en plein monstruosité latino-américaine » (J.Mandelbaum)
L’idée du film est venue à Claudia en lisant les témoignages de nombreuses femmes violées durant la guerre, et aussi de cette croyance populaire à savoir qu’elles transmettaient, avec leur lait, l’effroi de ce qu’elles avaient vécu avec leurs nourrissons. « A l’époque, la violence avait un double visage (l’armée et le Sentier lumineux) et c’est pour cela, ajoute-t-elle, que j’évite d’aborder la chose frontalement dans mon film. Je ne veux pas désigner les coupables mais je veux montrer l’étendue du désastre qu’ils ont commis ».
Après avoir primé l’an dernier le film brésilien Tropa de elite, l’Amérique latine se voit doublement récompensée à Berlin cette année. L’autre vainqueur du palmarès fut l’Argentin Adrian Biliez qui a raflé trois prix avec Gigante, portrait insolite et drôle d’un veilleur de nuit de supermarché qui, sous son physique imposant, cache une âme sensible lorsqu’il apprend qu’une femme de ménage qu’il voyait toutes les nuits sur son écran est licenciée.