05 janvier 2009

Biarritz 2007


Le 16ème Festival de Cinémas et Cultures d'Amérique Latine s'est déroulé fin septembre à Biarritz. À côté des volets littératures, concerts, marchés, la section cinéma était particulièrement riche cette année.



La noche de los inocentes d'Arturo Sotto est une comédie cubaine qui présente un mélange de rire et de dérision. Un jour de fête, un jeune homme ne veut pas que sa petite amie se marie avec un étranger. Pour cela il se travestit, tombe comme par hasard sur son père qui le roue de coups et se retrouve à l'hôpital interrogé par un policier qui se prend pour Humphrey Bogart.


La parabole peut toucher mais l'aspect éminemment macho du film est un peu trop déplaisant. Il a cependant obtenu le Prix du Jury.



Postales de Leningrado de Mariana Rondón a obtenu le Grand Prix, l' "Abrazo" du meilleur long métrage. C'est un beau film politique vu à travers les yeux d'enfants. Le film se passe au Venezuela dans les années 60 au temps de la guérilla. Comme un jeu, un puzzle, les enfants font, des persécutions et de la clandestinité, leur raison de vivre en attendant que leurs parents reviennent de la montagne où ils se sont cachés. "C'est un film très personnel", déclare la réalisatrice, "qui m'a permis de reconstituer des anecdotes, de retrouver des choses cachées. J'ai pour cela utilisé des formes narratives très variées : images d'archives, voix off, séquences d'animation." Tout cela donne au film beaucoup de fraicheur et d'originalité et nous permet de saluer le retour du cinéma vénézuélien.



Por sos proprios ojos de Liliana Paolinelli a obtenu le Prix d'Interprétation pour Ana Carabajal et Luisa Núñez. En Argentine une étudiante en cinéma fait une thèse filmée sur les femmes de prisonniers. Elle se lie d'amitié avec une femme qui en échange de l'interview lui demande d'aller rendre visite à son fils. Toutes les séquences décrivant le milieu carcéral sont particulièrement intéressantes. Malheureusement le film s'enlise ensuite dans un récit trop conventionnel. Dommage car les deux actrices ont vraiment mérité leur prix.



Matar a todos d'Esteban Schroeder (Uruguay, Argentine, Chili) revient sur la période trouble des dictatures d'Amérique Latine. Un savant chilien, conseiller de Pinochet, se réfugie dans le commissariat d'un petit village uruguayen où il déclare qu'il a été enlevé et qu'on veut le tuer. L'enquête va être confiée à une avocate qui découvre très vite que la police veut classer l'affaire en effaçant des preuves, mais elle continue son enquête dans un milieu qui cultive l'impunité. Pour le réalisateur qui revient sur ces faits, "La vérité fait mal, mais elle guérit". Voici un très beau film sur un point d'histoire de l'Amérique Latine. Le rôle de l'avocate est très bien interprété par Roxane Blanco, qui avait déjà obtenu le Prix d'Interprétation pour son rôle en 2005 dans "Alma Mater". Il a obtenu le Prix du Public



La sangre iluminada est un film mexicain d'Iván Avila Dueñas qui a obtenu le Prix du Jury des Jeunes. Voici un film curieux sur la transmutation. À certains moments, la vie de l'un des personnages change et se poursuit dans le corps d'une autre personne. Cela se produit quand pour une raison ou une autre un personnage se met à saigner. Le réalisateur, auteur d'un livre sur Buñuel, s'inspire de l'œuvre de l'écrivain portugais Fernando Pessoa.



Deux films brésiliens furent également présentés.



Ó pai ó de Monique Gardenberg raconte la vie des habitants d'un immeuble au cœur de Salvador de Bahia durant la dernière journée du Carnaval. Le film est très vivant, coloré, musical, il montre des gens pauvres mais jamais désespérés. C'est un agréable divertissement.



L'autre film, O ano em que meus pais sairam de ferias de Cao Hamburger se passe en 1970 pendant la coupe du monde de football, au moment où la dictature se durcit. Les parents de Mauro, 12 ans, sont obligés de 'partir en vacances' et confient Mauro à son grand-père. En fait l'enfant sera recueilli par un ami du grand-père qui l'introduit dans la communauté juive de São Paulo. Ce sera pour l'enfant des vacances et une initiation à un nouveau milieu.




Aurora Boreal de Sergio Tovar Velarde est un passionnant film mexicain. Nous sommes en 1994 et Mariano, un adolescent, décide de se suicider. Avec sa petite caméra vidéo, il interroge tout le monde sur les raisons qu'il y a à vivre et veut expliquer sa volonté. Il va découvrir un secret de famille qui le fera réfléchir et lui donnera l'occasion d'avancer vers l'âge adulte. Le film montre bien comment une caméra peut être un moyen de capter l'émotion. Elle reflète l'identité des personnages mais aussi de la société qu'elle filme. Voilà un film très original.



Esto huele mal est un film colombien que Jorge Ali Triana a réalisé d'après un roman de Fernando Quiroz. Il aborde un fait réel, sous forme tragi-comique : l'explosion d'une bombe lors de l'attentat du club El Nogal à Bogotá, il y a quelques années. À partir de ce moment là, tout s'écroule dans la vie de Ricardo, un important homme d'affaires. Le film n'emporte pas complètement l'adhésion. Le réalisateur, metteur en scène de théâtre très connu en Colombie, avait mieux réussi il y a quelques années le film "Bolivar soy yo".




Courts métrages :



Le Grand Prix est allé à Temporal de Paz Fabrega (Costa Rica). Ce film raconte les petits moments, qui passent inaperçus mais qui sont souvent décisifs sur les relations entre deux filles et qui leur permettent de s'évader de leur milieu. Signalons aussi trois autres courts, Lo que trae la lluvia (Chili), La escala benzer (Argentine) et enfin Tiene la tarde ojos (Mexique).




Documentaires :



Le Festival de Biarritz est aussi une compétition de films documentaires. Le Prix fut remporté par "Secretos de lucha" de Maria Bidegain. La réalisatrice reconstitue les engagements de son père, de ses tantes et oncles durant la dictature militaire uruguayenne. Un autre documentaire intéressant, Madres, où nous vivons pendant deux heures avec 17 mères de la Place de Mai, toujours à la recherche de leurs enfants et qui n'abandonnent pas.



Le Festival comportait aussi un hommage au cinéaste bolivien, Jorge Sanjines, auteur à la fin des années 60, des célèbres films politiques, "Le sang du condor" et "Le courage du peuple".



Enfin quelques films étaient présentés en avant-première et déjà projetés à Cannes, comme le long documentaire de Carmen Castillo "Rue Santa Fe" ou le très drôle "El baño del Papa" d'Enrique Fernandez et Cesar Charlone, ces deux films doivent sortir très rapidement en France.



Cette année, le Festival de Biarritz ne présentait peut-être pas de remarquables coups de cœur, car le Festival de Cannes avait projeté déjà de très bons films. Mais des films en provenance d'Argentine, d'Uruguay ou du Venezuela ont jeté un regard passionnant sur l'Amérique Latine.




Alain Liatard