26 octobre 2006

Bamako


Abderrahmane Sissako, après "La vie sur terre" 1998 et "En attendant le bonheur" 2002, film qui nous avait ravi par la beauté de ses images et son atmosphère (on pourra revoir le film au cinéma Le Zola le jeudi 16 novembre dans le cadre de la soirée avec Le Muséum de Lyon), nous propose son dernier film. "Bamako' était le seul film d'Afrique noire présenté au dernier Festival de Cannes. Avec cette verve brillante, ce constat irréfutable, Sissako impose un style épuré et un ton singulier.
Il est né en Mauritanie et a passé son enfance au Mali dans la cour même où il a tourné son film. A 19 ans, sans rien connaître du cinéma, si ce n'est quelques westerns spaghetti, il obtient une bourse pour aller étudier le cinéma à Moscou. Là, il fera la découverte des œuvres importantes du cinéma mondial. Ses films de fin d'études obtiennent un grand succès et Arte lui propose de participer à la série "2000, vu par…". Il s'installe alors à Paris, mais maintenant vit plutôt au Mali.
Son récit prend la forme du film de procès. Ce style est l'apanage de nombreux films hollywoodiens. Tenu dans une cour de Bamako, au milieu des habitants plutôt indifférents, le procès oppose un plaignant, des représentants de la Société Civile Africaine, à un défenseur qui regroupe les instances internationales de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. 'Je ne voulais pas que ce soit un procès filmé' précise Sissako dans la revue Positif, 'mais un véritable film. 'La cour me permettait de quitter le procès à touts moments pour aller dans la chambre du malade, voir la tante qui écrase son coton, sortir de la cour, aller dans la rue et aussi remettre en question la parole'. Le réalisateur a choisi 'ses acteurs' un an avant le tournage et leur a donné une liste de livres pour qu'ils puissent improviser librement. Il capte les échanges avec quatre caméras numériques. Les échappées vers l'extérieur sont filmées en 35 mm. 'Il faut trouver des moments de fuite, s'échapper, aller vers le western ou aller vers le désert.' Mais tout cela doit avoir un sens, un rapport avec le film'. 'Un homme m'a dit, ajoute Sissako, ne pense pas que ce film va changer les choses. Mais au moins ils sauront que nous savons. Cette vision m'a paru importante : qu'on ait la conscience que l'Afrique n'est pas dupe. Elle n'a pas la capacité de transformer les choses. Mais la conscience est là.'
Au fur et à mesure que le film se déroule, pointe l'amertume. Les auditeurs eux-mêmes commencent à se décourager et vont jusqu'à débrancher le haut parleur qui retransmet le procès. Dans la cour la misère n'est plus simplement économique, elle devient également affective.
Cette faillite romanesque témoigne comme le dit un article du Monde , fut-ce au corps défendant du cinéaste, de l'épuisement des hommes et des femmes d'Afrique comme aux matières premières du cinéma et partant, de l'urgence et de la nécessité du propos mis en procès dans ce film.