04 janvier 2007

Autour de Riz Amer et de Giuseppe De Santis



Second film de Giuseppe De Santis (1917-1997), après Chasse tragique (Caccia tragica 1946), Riz Amer appartient à la grande période du néo-réalisme italien.

Dès 1940, De Santis est rédacteur à la revue "Cinema" dirigée par Vittorio Mussolini, neveu du "Duce".
Il y connaitra Rossellini, Lizzani et Visconti avec lequel il participera à l'écriture et à la réalisation de Ossesione (Les amants diaboliques, 1943). Cette revue deviendra un lieu important de la résistance.

Rosselini réalise Rome ville ouverte (Roma citta operta, 1945) alors que la guerre n'est pas encore terminée, et ce sera le manifeste de ce nouveau cinéma italien basé sur la dure réalité d'un pays en ruine et affamé.

Ces films s'opposaient au cinéma du temps du fascisme, où tous les films devaient décrire une société sans classe, sans chômage et heureuse. C'était l'époque du cinéma des "téléphones blancs".

Dès 1946, De Santis aborde le monde rural avec Chasse tragique (Caccia Tragica) son premier film.
Après Riz Amer, ce seront Paques sanglantes (Non c'è pace tra gli ulivi 1950), puis Hommes et loups (Uomini e lupi 1956).
Le travail des femmes sera également abordé dans Onze heures sonnaient (Roma ore 11, 1951).
Vers la fin des années 50, le public et la critique le boude et il ne réalisa en tout qu'une douzaine de films.

De Santis et Carlo Lizzani, son scénariste qui deviendra réalisateur dès 1949, (L'amour à la ville, 1953; Le bossu de Rome 1960; Le procès de Verone 1963; en tout une quarantaine de films) ont l'idée de Riz amer en gare de Milan, en voyant des centaines de femmes qui viennent de toute l'Italie pour travailler dans les rizières de la plaine du Pô.
Pour préparer le film, ils rencontrent le responsable culturel du journal "L'unita" qui avait enquêté sur le sujet. Il s'appelle Raf Vallone et deviendra le sergent Marco dans le film.

De Santis voulait mêler de jeunes comédiens à la foule des figurants.
Cependant, si Vittorio Gassman était déjà célèbre au théâtre où il avait été dirigé par Visconti, il était encore peu connu au cinéma.
Pour les femmes, la production impose Doris Dowling, une jeune actrice américaine pour le rôle de Francesca.
Silvana Mangano, d'abord danseuse et mannequin, est élue Miss Rome en 1946.
Elle concourra au titre de Miss Italie aux côtés de Lucia Bose (élue reine), Gina Lollobrigida, Eleonora Rossi Drago et Gianna Maria Canale, qui toutes feront carrière dans le cinéma.

De Santis n'est pas satisfait de ses essais. Mais un jour, il la croise dans la rue dégoulinante de pluie et trouve alors qu'elle est son personnage : une mondine provocante à la peau blanche, avec des bas noirs à mi-cuisse, premier sex-symbol de l'Italie d'après guerre, une sorte de réponse à la Rita Hayworth que l'on affiche sur les murs dans Le voleur de bicyclette film réalisé lui aussi en 1948.

Dès le premier plan du film où l'on voit les jambes nues des femmes au travail pataugeant dans l'eau des rizières, s'expriment l'exaltation des femmes au travail et leur sensualité.
Puis un reporter nous explique le dur travail des mondines.
La composition des images empruntent aussi bien au cinéma soviétique qu'au cinéma américain d'avant guerre.

C'est ainsi qu'un film qui se voulait le plus réaliste possible devint un film culte qui fit rêver des millions de spectateurs dans le monde entier.